La question du Sahara Occidental et ses répercussions sur les relations bilatérales Maroc-Etats Unis:
Note à Monsieur le Ministre
Objet:
M.  Christopher  Ross  a  été  nommé  Envoyé  personnel  du  Secrétaire  Général des  Nations  Unies pour  le  Sahara  Occidental,  le  06  janvier  2009avec  le  mandat  de travailler  avec  les  parties  et  les  États  voisins  sur  la  base  de  la  résolution  1813 du Conseil de Sécurité et les précédentes résolutions.
Sa  nomination  est  survenue  après  la  tenue à  Manhasset de  quatre  roundsde négociationsqui avaient débuté en juin 2007 et ceconformément à la résolution 1754 du Conseil de Sécurité.
Après  avoir  effectué  deux  visites  au  Maroc, M.  Rossa lancé  des  réunions informelles de négociations. Toutefois, et après neuf round, dont le dernier s’est tenu en mars 2012, le processus a connu un enlisement en l’absence de toute perspective de progrès.
Les   tensions entre   les   autorités   marocaines   et l’Envoyé Personnel   du Secrétaire Général se sont amplifiées vers le début de l’année 2012, le  Maroc ayantauparavantexprimé,  à  plusieurs  reprises,des  préoccupations  sérieuses  quant àl’intégrité dumandatde l’Envoyé  personnel  du  Secrétaire  Général,  la  pertinence  de son approche et l’objectivité de sa démarche. 
Le  Royaume,et  suite au rapport sur le Sahara du Secrétaire Général d’avril 2012, décida,  le17mai  2012,  de  retirer  sa  confianceà  M.  Ross  en  qualifiant  son travail de  «partial et déséquilibré».Décision, rappelons le, réfutée aussi  bien par le Secrétaire Général des Nations Unies que par Washington.
A ce niveau les autorités marocainesavaitconsidéré queM. Ross, n’ayant pas été capable de réaliser des avancées sur le plan politique, s’était permis de s’impliquer dans  des  affaires  qui  ne  font  pas  partie  du  mandat  que  lui  avaitconfié  le  Secrétaire Général des Nations Unies
Toutefois,  les  inquiétudes  du  Maroc  vis-à-vis  de  la  démarche  deM.  Ross n’avaient,à l’époque,pas  été  prises  en  compte  par  la  partie  américaine qui s’étaitsentie personnellement visée par la position de notre pays et avait fortement appuyéle «retour»de ce dernier.
En  effet, et  déjà  lors  destensions  survenues  en  janvier  2012,  suite  à des déclarations  de  M.  Christopher  Ross  qui avaittenu le  Maroc responsabledu  report jusqu’au mois de juin, de  sa  visite prévue  initialement  en  mai  2012, l’Ambassade américaine   à   Rabat   avaitexprimé   les   inquiétudes   de   certains   responsables   à Washington  qui avaient considéré qu’à travers cette attitude, «le Maroc  était  contre les Etats-Unis» et qu’il «bloquaitsciemment la visite de M. Ross».
Royaume du MarocMinistère des AffairesEtrangèreset de la CoopérationDirection des Affaires Américaines. La  polémique crééeautour de l’Envoyé Personnel  du  Secrétaire  Général  des Nations  Unies aeu des répercussionsdirectes  sur  les  relations  entre  le  Maroc  et  les Etats-Unis,  Washington  ayant  une  sensibilité  particulière  à  tout  ce  qui  touche à cediplomate  américaindont  lalongue carrière au sein du Département d’État a  porté essentiellement  surles  questions  du  Moyen-Orient et d’Afrique du Nord.Il  sied  de rappelerqu’il a  été  Ambassadeur  des  États-Unis  en  Syrie  et  en  Algérie  et  puis Conseiller principal  de  la Mission  des  États-Unis  auprès  des  Nations  Unies  pour les questions  du  Moyen-Orient  et  d’Afrique  du  Nord.Il a  également  contribué  à  la coordination de la diplomatie américaine dans le monde arabo-musulman, de 2001 à 2003.
Lesdivergencesentre le Maroc et les Etats-Unis sur cette question ont connu leur  apogéeau  sein  du  Conseil  de  sécurité,  en  avril  2013, avec la  tentativede Washington, contrée de justesse par le Maroc,d’étendre le mandat de la Minurso à la question des Droits de l’Homme.
Au niveau  onusien,  la  crise déclenchée  autour  deM.  Christopher Ross, avaitété  dépassée  suite  à l’entretien téléphonique  du  25août  2012  entreSa  Majesté  Le Roi, Mohammed VI, Que Dieu l’Assiste, et M. Ban Ki-Moon, Secrétaire Général des Nations Unies, qui avaitpermis de recadrer la médiation onusienne et de relancer le processus  politique. Cet  entretien  téléphonique  avait  également  facilité  le  «retour» de M. Ross qui avait été reçu en Audience Royale, le 29 octobre 2012.
Au niveaudes relations maroco-américaines, les répercussions de la crise ont perduréjusqu’au 9 mai 2013, date à laquelle un entretien  téléphonique  entreSa Majesté Le Roi, Mohammed VI, Que Dieu l’Assiste, et le Président Barack Obama a permis  de  dépasser  les  tensions  et  de préparerle  terrain  pour la  visite  Royal  à Washington en novembre 2013.
Toutefois,  les prémices d’une deuxième crise avec l’Administration  Obamacommencent déjà à se dessiner et portent encore une fois sur la démarchede M. Rossainsi que sur sa visite au Maroc.
C’est ainsi que l’Ambassadeur américain à Rabat a exprimé lors d’une réunion tenue avec Monsieur le Ministre, le 31 juilletdernier au sein de ce Département, des interrogations  sur  la  «capacité»  de  l’Envoyé  Spécial  du  Secrétaire  Général  des Nations  Unies,  M.  Christopher  Ross «à  effectuer  une  nouvelle  visite  au  Maroc  et faire en sorte qu’il puisse jouer son rôle», tout en précisant qu’il «n’agissait pas en tant que porte parole de ce dernier».
Cette  position  américaine,  à  savoir  que  M.  Ross  «doit  revenir»  et  «que  le Maroc doit le  laisserfaire  son  travail»a  été réitéréepar la Sous Secrétaire d’Etat Anne  Patterson, lors d’un entretien téléphonique avec Mme la Ministre Déléguée ainsi que par la Sous Secrétaire d’Etat aux Affaires politiques Wendy Sherman, en marge des travaux de la 69ièmesession de l’Assemblée Générale de l’ONU. 
La position du Maroc a été clairement exposéeet porte essentiellement sur ledroit du Royaume d’obtenir des clarifications sur la démarche de l’Envoyé Personnelet sur la nécessité que son action soit conforme à son mandat et à la mission qui lui a été dévolue.
3En effet, et tout d’abord,le Maroc n’a pas obtenu de réponse à trois questions concernant la mission de M. Ross, réponse qui devait intervenir en 48 heures, et qui est toujours attendue depuis le 18 juin dernier. Ensuite, ce dernierpréfère passer par d’autres canaux plutôt que d’apporter  des  réponses  claires  et  directes.  Enfin,  les déclarations de même que le rapport de M. Ross ne reflètent pas les conclusions telles qu’exposées aux responsables marocains lors de sa visite dans le Royaume. 
Il y alieu de souligner, à cet égard, que la dernière visite au Maroc de M. Ross n’a pas été médiatisée par le Royaume et que ce derniern’a pas non plus été reçu en Audience Royale.
La  situation dans  son  ensembleinterpelle,suscite  plusieurs  interrogationset laisse  présager despériodes  difficiles  aussi  bien  au  sein des  Nations  Uniesqu’avec nos partenaires américains. 
En effet, notre pays est présenté par M. Ross comme responsable du blocage en cours dans le processus politique, une idée véhiculée dans les couloirs des Nations Unies  et  auprès  des  membres  Permanent  du  Conseil  de  Sécurité.Aussi,  serait-il judicieux,pour   évaluer nosappuis, de   prévoir   une démarche d’explication  et d’anticipation auprès de ces derniers,en portant une attention particulière à la Chine et la Russie, dans la mesureoùles relations avec la France sont actuellementt en dues et que la Grande Bretagne s’alignera probablement sur la position des Etats-Unis qui elle,apporte un soutien inconditionnel à M. Ross. 
S’agissant    des    conséquences    de    cette    crise    sur lesrelations    avec l’Administration Obama, il y a lieu de s’attendre à uneconjoncture difficile.  Certes, la  période  fin  2013-2014  a connu unenetteévolution  dans  ces  relations avec  un agenda bilatéral chargé et prometteur. Toutefois,il y a lieu de ne pas sous-estimer les capacités  de manœuvre de nos adversaires pour  tirer  profit  des  tensions en  coursd’autant plus que le Ministre des Affaires Etrangères algérien M. Ramtane Lamamra a effectué, du 18 au 20 septembre 2014, une visite à Washington oùil a été reçupar le Secrétaire d’Etat John Kerry et  la  Conseillère  à  la  Sécurité  Nationale,  Mme  Susan Rice.
Il  y  a  lieu  de  signaler,  à  ce  niveau, queWashington  a,d’ores  et  déjà, commencé à introduire des changements dans sa position au sein de l’ONU. En effet, lors de l’examen du rapport annuel du Conseil de Sécurité à l’Assemblée Général pour la période 1eraoût 2013-31 juillet 2014, la délégation américaine a introduit des amendementsdans la partie sur le Sahara dudit rapport en supprimant toute référence «aux  Etats  voisins»ce qui reviendrait à dédouaner complètement l’Algériede  sa responsabilité dans le conflit autour de notre Question Nationale.
Il s’agirait donc, au stade actuel, d’évaluer la situation dans son ensemble et de mesurer le prix politique des événements à venir en considérant éventuellement, la possibilité pour notre pays de désavouer l’actuel Envoyé Personnel du  Secrétaire Général comme l’avait fait l’Algérie dans son temps avec son prédécesseur, M. Van Walsum, et ce, au vu des tensionsà répétitions qu’il suscite, qui affectent l’évolution de Notre Question Nationale au sein du Conseil de Sécurité et qui se répercutent sur nos relations avec l’un de nos plus importants partenaires.